Cachée du reste du monde dans mon petit bureau, je regardais des plans que l'on m'avait fait parvenir quelques jours plus tôt. C'était une grande maison en banlieue de Seattle qui avait besoin d'être restauré, mais comme elle datait, c'était à moi qu'on avait fait appel. Même s'il y avait beaucoup de paperasse à faire et de documentation à remplir, c'était quelque chose que j'adorais faire. J'aurais besoin de me rendre à Seattle une semaine ou deux, pendant les travaux, mais j'étais certaine que tout se déroulerait bien à Forks pendant mon absence.
Ce soir, tout le monde semblait sortit, sauf Alice que j'entendais cuisiner. Je trouvais très drôle de la voir ainsi. La nourriture humaine ne m'avait jamais paru attrayante depuis que j'étais devenue vampire, mais Alice persistait à vouloir vivre comme les humains. Les effluves de nourriture montaient jusqu'au deuxième et je devais avouer que cela avait une très bonne odeur. « Maman tu veux manger? » entendis-je venir de la cuisine. Le repas était bientôt près. J'entrepris donc de ranger et de classer mes papiers, roulant soigneusement les plans que j'avais étudié et les rangeant à leur place. Lorsque je sortis de mon bureau, je m'arrêtai quelques instants dans celui de Carlisle. J'aurais aimé qu'il dîne avec nous ce soir, mais il travaillait, comme toujours. « Tu viens? Ca va refroidir! » Alice. Toujours aussi impatiente. Je ne pus m'empêcher de sourire et sortit du bureau de mon mari, me dirigeant vers le grand escalier. « Je suis là ! » J'entrai dans la cuisine, suivant les odeurs de poisson. Alice se tenait devant la grande table, qu'elle avait merveilleusement bien préparée. « Mais tu t'es surpassée, ma chère. C'est magnifique. » Ce n'était pas très surprenant de la part d'Alice, qui détestait le moindre dérapage lorsqu'elle organisait quelque chose. Le mariage de Bella et Edward était un très bon exemple. « Tu veux que je t'aide à servir ? » demandais-je, voyant qu'il ne restait que cela à faire.

Curieuse, j'allai mettre mon nez dans les plats d'Alice pour voir ce qu'elle nous avait cuisiné. Tout cela avait l'air délicieux et me rappelait de vieux souvenir, mais j'avais toujours quelques problèmes avec la nourriture humaine. Je m'étais habituée à mon régime d'animaux. Toutefois, pour Alice, je faisais cet effort. « Tu travaillais sur quoi? » Je m'assis à la table, face à la brunette, un grand sourire sur les lèvres. « Oh, ce n'est qu'une maison près de Seattle que les propriétaires veulent restaurer. C'est une magnifique demeure, par contre. » J'aurais pu m'étaler pendant des heures sur cette propriété, mais j'aurais ennuyé Alice. Je demandai par la suite à Alice si elle avait besoin d'aide pour servir. « Oui prends-en autant que tu veux, j'en ai tellement fait qu'il en restera certainement pour les autres quand ils reviendront. Ils n'auront qu'à le réchauffer » Mon regard passa d'Alice à ses plats. En effet, elle avait cuisiné pour une armée. Mais à mon avis, il suffisait qu'Emmett tombe dans le plat pour qu'il n'en reste plus. Je ne pus que sourire à cette idée puis m'assis et me servit. Alice semblait impatiente, comme toujours. Il faudrait bien qu'elle se relaxe un jour, celle-là... Malheureusement, ce n'était pas un séjour dans un spa qui allait la détendre, j'en étais certaine. Le meilleur moyen pour calmer quelqu'un d'impatient, c'était de l'épuiser en lui en donnant encore plus. Sauf qu'avec Alice, il était difficile d'atteindre le bout du rouleau. Il fallait apprendre à vivre avec son énergie. « Allez, goûte et dis moi ce que tu en penses. » Je pris ma fourchette et piquai dans le poisson, prenant un peu de riz au passage, et mit le tout dans ma bouche. La texture était étrange, étant habituée à ne boire que du sang animal. Mais le goût n'était pas si mauvais, c'était même très bon. J'avalai puis piquai une autre bouchée. « C'est délicieux ! » Je continuai de manger, trouvant cette nourriture humain tout à fait mangeable. Entre deux bouchée, je relevai les yeux vers Alice. « Dis-moi, qu'est-ce que tu as mis dans le riz ? » J'avais remarqué une odeur différente, sans pourtant pouvoir mettre un nom sur ce qu'elle avait ajouté. Toutefois, c'était succulent.

J'adorais mon travail. Restaurer des maisons historiques selon les normes de l'époque, c'était ce que je faisais de mieux. Si une grosse partie du travail était de trouver les bons matériaux, j'aimais beaucoup aussi passer chez des antiquaires pour dégoter un vase ou bien un canapé de l'époque. Ces voyages dans le temps, je les adorais. Mais je savais aussi qu'Alice préférait de loin s'attarder au présent, et même au futur, qu'aux reliques du passé, voilà pourquoi je ne m'étais pas attardée sur le sujet. Pourtant, elle revenait à la charge. « Tu vas y aller? Tu vas restaurer quoi exactement, allez raconte! » Pour calmer sa curiosité, je décidai de lui donner quelques détails. « Je vais devoir m'absenter une semaine ou deux, pour m'assurer que la restauration se déroule bien, mais cela ne devrait pas durer plus longtemps. En fait, c'est un manoir au nord de Seattle qui a été construit en 1846 pour un militaire haut gradé. Le manoir appartient à la même famille depuis plus de cinq génération. Comme ils veulent garder le cachet de leur propriété, ils ont fait appel à mes services. » Alice était maintenant au courant de la base de l'histoire. Ensuite, entrer dans les détails n'était pas réellement pertinent, puisque je n'étais pas encore rendue très loin. Je venais à peine de commencer à me pencher sur le projet, ayant reçu les plans seulement dernièrement.
Recommençant à manger, je demandai à Alice ce qu'elle avait mis dans le riz. Je le trouvais particulièrement bon, mais était incapable de mettre des mots sur ce que je goûtais. « Des épices, mais aussi un peu de sang animal pour que ça reste un goût familier. » Voilà, c'était cela ! Non, ce n'était pas les épices que je goûtais, mais bien le sang animal. Quel système ingénieux ! Cela rendait le riz bien meilleur, au point où même la texture ne me dérangeait pas. « Très bonne idée ! » Je continuai à manger, goûtant un peu au poisson. Ce n'était pas si mal, bien que cru, il aurait probablement été meilleur. Alice se leva pour aller chercher la bouteille de vin et m'en servi un verre. J'avais toujours trouvé l'arôme du vin succulente, mais impossible de goûter l'alcool. Celui-ci ne restait jamais dans notre organisme, étant métabolisé très rapidement. Impossible donc de noyer sa peine dans une bonne bouteille de whisky. Il fallait trouver d'autres moyens, l'alcool n'ayant aucun emprise sur les vampires. « Ça fait du bien un peu de changement non? » J'hochai la tête, tout à fait en accord. « Tu as bien raison ! » J'avais beau être conservatrice sur plusieurs domaines, j'appréciais tout de même des changements de temps à autre, justement pour ne pas tomber dans la monotonie. Et puis, l'éternité serait bien longue si nous ne faisions pas des changements de temps à autre. Je pris une gorgée de vin puis reportai mon regard sur Alice. « Et toi, ma chère, tu as des projets en cours ? » Je savais très bien qu'Alice adorait la mode et je voulais me mettre au courant sur ses dernières découvertes autant que sur les voyages qu'elle planifiait de faire.

« Si tu as besoin d'aide tu n'hésites pas d'accord? » Je savais que je pouvais toujours compter sur Alice, mais elle avait probablement des choses plus intéressantes à faire que de visiter des antiquaires et que de trouver un endroit où l'on vendait tel ou tel matériaux. Elle était une très bonne recherchiste, mais je préférais encore qu'elle fasse des choses qu'elle aime. Et puis, avec les années, j'avais appris à me débrouiller. À Seattle, une paire de main ne saurait être de trop, mais d'un autre côté, ce projet était mon nouveau petit bébé et j'adorais l'accomplir toute seule. C'était des petits défis personnel dans cette vie éternelle. « Bien sûr ! » Je demandai ensuite à la brunette si elle avait des nouveaux projets en cours. Alors que moi je faisais dans la restauration de bâtiment, elle était une fan finie de la mode. Elle ne passait pas une semaine sans s'acheter un nouveau morceau sur internet ou bien sans faire une virée à Portland ou Seattle. Elle avait l'oeil pour trouver les nouvelles tendances, il fallait dire que son don l'aidait grandement aussi. Avant gardiste, Alice était un modèle pour tous, côté vestimentaire. Lorsque j'avais des vêtements à acheter, je lui donnais carte blanche et elle trouvait toujours des morceaux parfait. « J'aimerai beaucoup commencer une ligne de vêtements » Voilà qui était une très bonne idée. Alice, la petite bolée question vestimentaire, pourrait faire ses vêtements et les vendre, au lieu de les acheter chez les autres. Toutefois, le problème qui se posait à tous les vampires lorsque nous avions envie de nous lancer dans un métier revenait: celui qui faisait qu'elle gagnerait de la réputation et que les gens s’apercevrait rapidement qu'elle ne vieillissait pas. Les robes de Coco Chanel avait beau être intemporel, si la créatrice l'avait aussi été, cela aurait été très étrange. Mais comme Alice était prévenante, elle avait déjà trouvé la solution pour remédier à ce problème. « Par internet bien évidemment... » Je trouvais cette idée tout à fait génial, sachant qu'Alice n'aurait aucun problème à créer ses vêtements de la villa, ni même à tous les confectionner elle-même. Les vampires pouvaient être plus rapide que les machines, lorsqu'ils le souhaitaient. « C'est une merveilleuse idée, Alice ! » La seule chose, c'était qu'il faudrait qu'elle trouve son tissus. À Forks, il n'y avait qu'une petite boutique qui vendait des étoffes bas de gamme, pas de quoi nourrir les ambitions d'Alice. Il était évident qu'elle voudrait concurrencer les grands couturiers, cela ne faisait pas de doute. « Tu souhaiterais t'installer dans la villa ? Ou plutôt louer un local en ville ? » Bien sûr, Alice pouvait facilement confectionner des morceaux à partir de sa chambre, celle-ci étant étonnamment vaste, mais elle préférait peut-être sortir de la maison familiale, sortir un peu du cocon pour travailler. Carlisle le faisait déjà avec l'hôpital, j'y avais aussi longtemps songé, mais finalement j'avais décidé de rester dans la villa. Je n'aimais pas m'éloigner trop longtemps de ma famille, et puis mon bureau me convenait à merveille. Mais Alice préférerait peut-être s'éloigner un peu ?

« Remarque, même si je fais ça par internet ad vitam aeternam, les gens vont se poser des questions… pourtant ça me fais tellement envie » C'était le même problème qui se posait pour n'importe quel vampire. À la minute où nous faisions quelque chose de public, où notre nom apparaissait dans un journal, nous étions immortalisés dans les annales. Il fallait par la suite se soustraire aux yeux du monde pour revenir une décennie ou deux plus tard, en espérant que les humains aient tout oublier. Dans le cas d'Alice, j'étais certaine qu'elle pouvait créer une ligne de vêtement, même si ce n'était que pour quelques années seulement. Au moins, elle aurait ces quelques années à s'amuser et à profiter de son immortalité.
Je lui demandai alors si elle préférait s'installer dans la villa ou plutôt se louer un local en ville. Elle pouvait tout à faire décidé d'ouvrir une petite boutique à Forks, bien que la clientèle ne soit pas la meilleure. Les gens ici vivaient dans la moyenne, personne n'allait s'offrir un sac à main à 5 000$, mis à part notre famille, bien sûr. « Je pensais continuer ici et faire des allers-retours entre ici et Rome ou Milan ou même Paris… » Elle ne manquerait pas de m'avoir sur les talons si elle décidait d'aller dans ses villes. Je n'étais pas toujours partante pour quitter Forks lorsqu'il s'agissait d'une virée shopping à Seattle ou Vancouver, mais jamais je ne raterais l'occasion d'aller en Europe. Cela me donnerait des prétextes pour visiter ces grandes villes et m'imprégner de leur cachet histoire. « C'est une excellente idée. » Je terminai de manger, en ayant presque oublier mon assiette. Lorsque j'avalai ma dernière bouchée, le regard d'Alice se posa sur moi. « Alors, tu as aimé ? » Je lui fis un grand sourire. « Oui, bien sûr ! » À peine lui avais-je répondu que la jeune femme sembla de nouveau prise dans ses pensées. Je la regardai en souriant, trouvant merveilleux qu'elle ait un projet qui lui tienne tant à coeur. Mais évidemment, elle devait penser à tout avant de se lancer. Sauf que jouant le rôle de mère dans cette famille, c'était à moi de les pousser à faire tout ce qu'ils avaient envie de faire. Et je n'allais pas m'arrêter avec Alice. « Qu’est-ce que j’aimerai avoir une vision à ce sujet… Qu’est-ce que tu en penses ? Sincèrement ? » Je n'aurais jamais pu désapprouver son projet, sachant comme la vampire adorait la mode. Elle ne jurait que par cela. « C'est une merveilleuse idée, Alice ! L'éternité est longue si on ne s'occupe pas. Je suis contente que tu aies trouver un projet qui puisse te convenir et je te supporte totalement. Évidemment, il y aura des embûches, mais je crois en toi pour les surmonter. » Alice faisait partie de ces êtres qui ne se laissaient pas marcher sur les pieds. Lorsqu'elle voulait faire quelque chose, elle trouvait toujours le moyen d'y arriver, et j'étais certaine qu'elle trouverait un moyen pour créer sa ligne de vêtement, tout en restant dans l'anonymat. Ou du tout, en ne mettant pas en péril notre vie paisible à Forks.

Je regardai Alice s'afféré avec les plats et l'aidai rapidement à débarrasser. En moins de quelques minutes, la cuisine et la salle à manger avaient retrouvés leur état normal: soit un état impeccable. Alors que je retournais m'asseoir, Alice vint me prendre dans ses bras, me montrant ainsi qu'elle était heureuse que je la supporte. C'était mon rôle de le faire, elle n'avait pas à me remercier pour cela, mais je la serrai tout de même fort contre moi. « Ne t’inquiètes pas je t’emmènerai avec moi » me dit-elle, alors que nous reprenions nos places à table pour mieux discuter. Je m'assieds en face d'Alice, lui offrant un grand sourire. Je savais très bien qu'elle ne m'oublierait pas. Elle aimait souvent avoir de la compagnie lors de ses voyages et je ne m'étais jamais présentée comme un fardeau. Alors que certaines personnes pouvaient devenir collante à la longue, j'étais de celles qui, indépendantes, ne restaient jamais bien bien longtemps dans les pattes des gens. Je finissais toujours par me trouver quelque chose pour me tenir occupée et n'empiétait jamais longtemps dans la bulle des gens. « Super, alors on pourrait peut être partir demain, voir ce qu’il y a ? » Je savais Alice impatiente, mais je ne m'attendais pas à ce qu'elle ait envie de partir demain ! Quoi qu'à bien y repenser, c'était un exploit qu'elle n'ait pas eu envie de quitter pour Milan ce soir, en fait. Mais même si elle souhaitait partir dans les prochaines heures ou les prochains jours, je ne pouvais m'envoler pour l'Europe aussi rapidement. J'avais ce projet de rénovation sur lequel j'étais et que je devais terminer avant de décider de faire autre chose. « Je ne crois pas que je pourrai quitter Forks avant quelques semaines. Du moins, pas avant d'avoir tout mis en place pour ma rénovation. » Je fis un sourire désolé à Alice, sachant pertinemment qu'elle aurait voulu partir le lendemain. Je le regardai faire les cents pas, comprenant que quelque chose la tracassait. N'ayant pas la capacité d'Edward à lire dans les pensées, j'attendis patiemment qu'elle me fasse part de ses inquiétudes. « Mais si je dois déposer un nom, je serais fichée, ils vont me demander des papiers… » Bien sûr qu'ils allaient lui demander des papiers. Mais il n'y avait aucun problème. Nous avions bien réussi à l'inscrire au lycée de Forks, elle et ses frères et soeurs. La légalité des papiers ne nous avait jamais arrêté. Même Carlisle était capable de pratiquer avec ses faux papiers. Il fallait dire que ce cher Mr. Jenks savait faire des miracles. « Jasper n'aura aucun problème à te trouver les papiers qu'il faut. C'est lui qui a les meilleurs contacts. » Mais même une fois qu'elle aurait les papiers en main, Alice devrait être patiente avant de pouvoir commencer à vendre ses vêtements. Toutefois, cela ne l'empêchait pas de commencer immédiatement à les créer...

« Eh bien d’accord on ira dans une semaine alors, ça me laissera le temps de préparer quelques articles à montrer. Car il faut bien un début pour convaincre les juges… » J'étais tout à fait d'accord. Avant de faire quoi que ce soit, Alice devait commencer à élaborer des vêtements. Même si elle n'avait pas encore tout le matériel pour faire ses vêtements, elle pouvait au moins en dessiner quelques-uns, histoire de se faire une porte-folio. C'était très important lorsque quelqu'un voulait avec un contrat, j'étais bien placée pour le savoir. Faisant de la restauration, je devais commencer par montrer à mes clients de quoi aurait l'air leur maison à la fin. Même si mes dessins n'étaient que des esquisses, c'étaient elles qui faisaient vendre mon projet. Les soumissions étaient aussi très importantes, mais Alice saurait se débrouiller avec cela en temps et lieu. « Et moi de finir ma restauration. » dis-je, un sourire sur le visage. La vampire devant moi s'était rassie, mais elle semblait encore avoir des craintes. Tranquillement, nous allions trouver la solution miracle à chaque de ses problèmes, j'en étais certaine. J'avais plus d'un tour dans mon sac, j'étais prête à affronter n'importe quoi. Je savais qu'Alice ne baissait pas les bras facilement non plus, à deux j'étais certaine que nous étions capables d'y arriver. Ce n'était pas le fait que nous étions des vampires qui allait nous arrêter. « Mais attends, si je vends par internet, mes clients ne pourront pas essayer leurs vêtement, ce n’est pas pratique ! » C'était effectivement un problème... Il faudrait alors qu'Alice puisse vendre ses vêtements dans une boutique... Mais même ce problème était surmontable, j'en étais certaine. « C’est peut-être trop compliqué, je ne veux pas mettre notre famille en danger… » Je secouai la tête, ayant une idée en tête. Je ne savais pas si c'était la meilleure, mais cela permettrait à Alice de garder son anonymat et de ne pas mettre notre famille en jeu, tout en vendant ses créations dans des boutiques. « Rien n'est trop compliqué, Alice. » Je lui fis un grand sourire et continuai. J'avais vraiment envie qu'Alice entreprenne ce projet qui semblait lui tenir très à cœur. « Imagine que tu t'associe à un magasin ou à un couturier qui a déjà une bonne réputation ? Tu trouves le nom que tu veux à ta collection et tu la vends par le biais des boutiques de quelqu'un d'autre. Tu permets donc aux gens d'acheter tes vêtements en les essayant. Et pour ne pas trop créer de problème, tu spécifies que le contrat ne dure pas plus que quoi, 3 ans ? 5 ? » Je fis un sourire à Alice et reprit. « Il faudrait simplement que tu réussisses à convaincre un couturier ou une boutique de s'associer avec toi, mais je suis certaine que tu es capable de le faire. » Je venais de trouver une solution au dernier problème d'Alice, j'espérais simplement que cela lui plaise. C'était tout de même mieux que rien. Et puis, cela lui permettrait de faire un peu de couture dans les prochaines années, ensuite elle devrait se retirer. Mais elle aurait évidemment la chance de revenir quelques décennies plus tard, quand tout le monde l'aurait oublié.

Je n'avais jamais pris un non comme une réponse, et j'avais toujours tout fait pour que mes enfants soient heureux. Même si parfois ils ne voyaient pas ce qui était bien pour eux, je me battais pour qu'ils l'aillent. Oh, évidemment, à la fin ils venaient toujours me remercier, mais j'avais ce don pour les rendre heureux. Il ne fallait que quelques conseils de maman Esmé pour mettre un sourire sur le visage de n'importe qui. « Qu'est-ce que je ferai sans toi? » Je ne répondis pas à cette question purement rhétorique. Je ne fis que serrer Alice dans mes bras, contente de l'avoir rendu heureuse. Son bonheur était important pour moi, et si elle était heureuse, je l'étais aussi. « Oui, en tous cas je ne perds rien à essayer » Elle avait tout de même plus de chance de réussir en essayant qu'en ne faisant rien, non ? Et puis, cela ne lui coûtait rien d'essayer. Au pire, elle recevrait un refus, mais j'étais persuadée que c'était impossible. Pas dans le cas d'Alice. La vampire était beaucoup trop persévérante pour se faire dire non. Elle saurait en mettre plein la vue à tout le monde, je n'avais aucune crainte sur ce point. « Merci beaucoup, maman... Je te ferrai une robe, tu pourras choisir tout, la couleur... la coupe... tout, d'accord? » Je ne pus m'empêcher de rire à la proposition d'Alice. Évidemment que j'allais accepter. Je n'étais jamais contre un nouveau vêtement dans mon garde-robe, surtout s'il était fait des mains de mes enfants. « Cela me ferait plaisir, Alice. » Je savais bien qu'au final, je ne choisirais pas grand-chose, mais cela me faisait réellement plaisir. Alice trouverait la coupe la plus tendance, rares étaient les vêtements qui ne me faisaient pas, de toute façon, puis elle y ajouterait ma couleur préférée, en gardant tout de même une touche tendance comme elle aimait le faire. Généralement au-devant de la mode, Alice n'attendait pas que les tendances arrivent, elle les créait elle-même. Il fallait dire qu'avec son don, elle avait aussi un avantage. « Tu vas devoir être le juge, car il est impossible de juger son propre travail, tu crois que tu vas supporter? » Je souris à la dernière remarque d'Alice. Bien sûr, la jeune femme était très énergique et ne s'arrêtait jamais, mais j'étais moi aussi un vampire: donc infatigable. Alice avait beau courir de tout bord tout côté pendant qu'elle faisait de la couture, il lui faudrait des années avant qu'elle me tombe sur les nerfs. Je savais supporter pire qu'elle, ma patience était infinie. « Ce serait un honneur. Et ne t'en fait pas, je crois que je vais réussir à te supporter. » Je fis un grand sourire à ma fille, certaine qu'elle commençait déjà a avoir des idées en tête. J'avais très hâte de voir tout ça, cela me faisait incroyablement plaisir de la voir aussi motivée. « Alors, tu as déjà des idées ? »

Alice semblait avoir retrouvé toute sa bonne humeur. Elle était prête à créer ses collections, pleine d'entrain et d'énergie. Voilà comment je l'aimais. Lorsqu'elle était une petite boule d'énergie prête à écraser tout ce qu'il y avait sur son chemin. Je lui fis un grand sourire, heureuse de voir qu'elle avait déjà des idées. Il était difficile qu'elle n'en ait pas, de toute façon, mais j'étais contente qu'elle m'en fasse part. « Oui oui, je pensais faire des vêtements autant ample qu'épousant la silhouette, car je trouve que malheureusement la mode est trop centrée sur des femmes qui seraient quasiment anorexiques, c'est un peu ridicule, tout le monde a le droit d'être beau. En fait surtout l'important c'est de se sentir belle, car dans ce cas tout le monde voit ta beauté. » J'étais totalement d'accord avec ce qu'Alice disait. J'étais contente qu'elle prenne cet aspect en compte lorsqu'elle dessinerait sa première collection. Rare étaient les designers de mode avec une éthique. Trop souvent, les mannequins avaient autant d'estime d'eux-mêmes qu'une boîte en carton. Pure objet, on délaissait toutes leurs caractéristiques qui les rendaient uniques pour qu'elles deviennent homogènes et que l'ampleur soit mise sur les vêtements lors des défilés. Pourtant, c'est leur silhouette que les jeunes femmes envient. Elles veulent se sentir bien en étant mince - maigre même. C'est comme si chaque once de gras est un regard désapprobateur de plus, alors que c'est totalement faux. Les humais ont besoin de graisse pour survivre et la perfection ne se trouve pas dans le fait de ne pas avoir de défaut. La perfection est intérieure. Elle se voit avec le coeur, pas avec les yeux. « Très bonne idée ! » Je savais toutefois que combattre ces images de la femme parfaite était difficile. J'avais plus d'un siècle d'existence derrière moi et j'avais vu des femmes se démolir la cage thoracique à coup de corset trop serré. Les formes changeaient, les idéaux évoluaient, mais il restait tout de même chez les femmes cette tendance d'être influencée, de vouloir être la plus belle et de tout faire pour que cela arrive. « Par exemple, les robes pourraient souligner le buste avec un joli design, et ensuite pour le bas, selon les goûts, soit court, soit long, soit très long, mais je ne suis pas très fan des robes qui vont jusqu'aux chevilles, c'est rare que ça aille à quelqu'un, parfois ça fait un peu... sac. » Je ne pus m'empêcher de rire à la remarque d'Alice. Oui, les tendances avaient changées. Même elle ne souhaitait plus mettre de robe longue, alors que ça avait été imposé très longtemps à la femme. Avec le XXIe siècle était venu la libération sociale de la femme ainsi que la mini-jupe, mais même si dévoilé ses jambes et voir les gens se retourner sur votre passage était tentant, une robe longue n'avait jamais tué personne non plus. « Il suffit que le bas soit bien pensé pour que la taille n'ait plus aucune importante. » À peine avais-je terminé de parler qu'Alice disparaissait de ma vue. Elle revint quelques instants plus tard avec un paquet de crayon ainsi qu'un calepin. Je regardai ce qu'elle dessinait avec attention. Avec toutes les visions qu'elle avait appris à dessiner, Alice avait le coup de crayon rapide et juste, sachant rapidement représenter ce qu'elle avait en tête. Je m'approchai de la jeune femme et regardai par-dessus son épaule. « C'est vraiment très joli, Alice ! »

De tous les courants que j'avais vécu, c'était les années 40 que j'avais le plus adoré. À mon avis, c'était durant cette période que les femmes avaient eu le plus de classe, où elles avaient réellement sur se mettre en valeur. Je n'avais jamais aimé les tendances hippies des années 20, ni la mini-jupe des années 60. Je préférais une jupe au genou, avec un blazer en laine, bref les classiques. Même si, à chaque année, je m'adaptais au style, je gardais toujours une place spéciale pour les années 40. Même si ça n'avait pas été les années les plus glorieuses pour l'homme, les designers avaient su faire des merveilles durant cette décennie. « Oui je sais qu’à une époque c’était la mode mais pour de mauvaises raisons. Maintenant peu importe la longueur ou la coupe, je ferai en sorte que chacun trouve son bonheur. Dis, tu crois que je devrai faire une ligne pour hommes aussi ? » Ce n'était pas nécessairement pour des mauvaises raisons, mais je ne repris pas Alice. Elle le découvrirait par elle-même tôt ou tard. Me vint ensuite à l'esprit la deuxième idée qu'elle avait énoncée, celle de faire une ligne pour les hommes. Même si je croyais que c'était une très bonne idée, c'était peut-être beaucoup pour quelqu'un qui commençait ? Enfin, je n'avais aucun doute dans les talents de ma fille, seulement elle devrait y aller une étape à la fois, comme n'importe quel humain. « Tu devrais plutôt commencer par une collection pour femme. Ensuite tu pourras voir, une fois que tout sera sur le marché. » Je fis un grand sourire à Alice, étant certaine qu'elle comprendrait mon point de vue. Elle était éclairée, elle n'y manquerait donc pas. Je regardai toutefois ce que la jeune vampire venait de dessiner, trouvant cela très convainquant malgré la moue qu'elle faisait. Elle trouverait le moyen d'intégrer une collection pour homme dans ses vêtements, il fallait seulement qu'elle se donne un peu de temps. « Est-ce que tu veux regarder un film ? » Je n'étais pas du tout contre, même si je savais que cela ne ferait pas avancer mes plans. Il faudrait que je m'y remette bientôt, si je voulais avoir fini rapidement, mais cela pouvait bien attendre un petit deux heures, le temps d'écouter un bon vieux classique avec Alice. À moins qu'elle ait envie d'écouter une nouveauté. Bref, je la laisserais choisir. « Pourquoi pas ! Qu'as-tu envie de voir ? » Nous avions une collection impressionnante de DVD dans le séjour, mais il était aussi facile, maintenant, d'aller louer un film sur un de nos portables puis de le brancher sur la grande télévision, n'ayant ainsi même pas besoin de sortir pour regarder la dernière nouveauté. Avec la technologique, le monde était à notre portée.

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